05/12/2025 investigaction.net  6min #298074

Fin de l'empire des rentes occidentales : entre émancipation mondiale et restauration autoritaire

Tito

AFP

L'année 2025 se referme sur un paysage mondial en éclats. Le Génocide à Gaza, réarmement de la Triade coloniale USA-Europe-Japon, sanctions économiques tous azimuts, explosion des inégalités, nouvelles menaces de guerre néocoloniale (Vénézuéla, Afrique...) : l'Occident, qui prétend défendre la « démocratie », s'enfonce dans la répression et la fuite en avant.

Derrière la propagande humanitaire, c'est un système de rentes épuisées qui cherche à sauver ses privilèges. Financières, médiatiques, militaires ou technologiques, ces rentes constituent la colonne vertébrale d'un ordre mondial fondé sur la prédation. Mais cette architecture vacille. La domination occidentale décline, tandis que le Sud global s'émancipe.

La Triade coloniale ne produit plus : elle punit

Pendant des décennies, États‑Unis, Europe et Japon ont contrôlé le commerce mondial, les matières premières et les flux de capitaux. Mais la machine s'enraye. L'Union européenne, qui exportait plus de 20 % de la production mondiale au début des années 1990, n'en représente plus que 15 %. Les États‑Unis chutent à 11 %. Quant au Japon, passé de 10 % dans les années 1980 à 3 % aujourd'hui, il incarne la perte de dynamisme industriel d'un modèle à bout de souffle.

Face à ce reflux historique, la Triade coloniale se crispe. Elle militarise son économie, verrouille ses médias, multiplie les sanctions et les interventions guerrières sous couvert de « règles internationales » et de démocratie.

L'automobile, miroir d'un basculement planétaire

S'il fallait un symbole du déclin industriel occidental, ce serait bien l'automobile. La Triade coloniale en faisait autrefois un étendard de modernité ; aujourd'hui, la Chine leur arrache le volant. En 2023, Pékin produit 35 % des véhicules mondiaux (avec 15% de progression annuel), contre un peu plus de 40% pour la Triade coloniale.

Surtout, ce nouveau leadership chinois est qualitatif et avance très très vite. L'innovation n'est plus occidentale ; elle est désormais chinoise, portée par une vision planifiée et souveraine de l'économie.

Les vieux empires industriels découvrent avec stupeur qu'ils ne produisent plus grand‑chose. Ils gèrent, spéculent, surveillent. D'où la fuite dans la finance, la guerre et la propagande.

Russie : la rationalité contre la frénésie guerrière

Le contraste est saisissant : le commerce Russie‑UE s'est effondré, passant de 250 à 70 milliards de dollars entre 2021 et 2024. Dans le même temps, celui entre Moscou et Pékin approche désormais les 240 milliards. L'Ouest se coupe de ses anciens partenaires, pendant que l'Est construit ses propres ponts.

Derrière les discours délirants de Washington ou de Bruxelles prétendant à une Russie belliqueuse envoyant des drones sur l'Europe, la Russie trace, elle, un chemin vers l'Asie. Corridors commerciaux eurasiens, partenariats énergétiques avec la Chine, débouchés stratégiques vers l'océan Indien. Là où la Triade coloniale accumule sanctions et bases militaires, Moscou consolide ses alliances.

Afrique : l'émancipation contrariée

Sur un autre front, l'Afrique devient le laboratoire de l'émancipation. Avec la Confédération des États du Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger), née en 2024, le continent engage une rupture symbolique et politique majeure : reprise en main des ressources, coopération avec la Russie et la Chine, dialogue avec les BRICS.

Les investissements occidentaux restent dominants - environ 200 milliards de dollars contre 70 pour la Chine et la Russie - mais la qualité du partenariat change. Le modèle du Sud est fondé sur la production et la souveraineté, non sur la rente et le pillage.

Le continent de 1,5 milliard d'habitants ne représente encore que 2 % du commerce mondial. Pourtant, si son industrialisation s'accélère, l'effondrement d'un capitalisme de rente néocolonial sera accéléré. D'où l'annonce des nouvelles compagnes néocoloniales des USA et de l'Europe: présence militaire renforcée, narratif sécuritaire, sanctions sous couvert de « bonne gouvernance », déclanchement de nouvelles guerres.

Les piliers d'un pouvoir en ruine

Quatre leviers garantissaient la suprématie occidentale : le dollar, la technologie, l'armement et les médias. Tous faiblissent :

  • Le dollar perd son monopole dans les échanges internationaux, concurrencé par le yuan, le rouble et les monnaies régionales ;
  • L'avantage technologique s'érode (avec plus de 4 millions de nouveaux ingénieurs par an, le Sud global forme 4 fois plus d'ingénieurs que la Triade coloniale) ;
  • L'hégémonie militaire s'essouffle face à la modernisation russo‑chinoise ;
  • Et le monopole médiatique se fissure sous l'impact des récits décolonisés qui émergent du Sud.

L'Occident reste militairement puissant, mais il ne contrôle plus la totalité des leviers.

Le retour des logiques fascisantes

Plus fondamentalement, Robert Brenner (économiste américain) avait montré la cause profonde : la baisse tendancielle des taux de profit et la surcapacité industrielle condamnent le capitalisme occidentale de rente (avec son hyper concentration des richesses) à entretenir des guerres sans fin. Quand la rentabilité chute, la coercition augmente.

L'oligarchie ne crée plus : elle exploite, privatise, criminalise. Ce cycle d'épuisement produit sa propre idéologie : une internationale ultra réactionnaire remettant aux goûts du jour le fascisme. Domenico Losurdo (philosophe italien) l'avait résumé : le fascisme est le mode de survie des démocraties libérales en cas de crise de leur modèle de rentes.

Les signes sont là : surveillance de masse, répression syndicale, censure médiatique, banalisation des politiques racistes, génocidaires et belliqueuses. L'Occident, qui prétendait incarner la liberté, tourne toujours le dos à la démocratie des peuples dès qu'elle menace les profits.

Deux avenirs s'affrontent

Marx l'avait vu : l'hégémonie occidentale, et son capitalisme de rente, finit par détruire la base sur laquelle elle repose, en diffusant les forces productives. Cette prophétie s'accomplit. La diffusion des forces productives, aujourd'hui en Asie et demain en Afrique et en Amérique latine, est contradictoire avec l'hégémonie de la Triade coloniale et son capitalisme de rente.

Dans ce contexte, l'humanité est à la croisée des chemins :

  • D'un côté, l'émancipation, portée par les peuples, par une nouvelle coopération internationale qui n'est pas fondée sur une économie de rente avec des richesses hyper concentrées sur moins d'1% de la population occidentale ; mais bien sur la souveraineté des peuples pilotant les forces productives pour l'ensemble de la société ;
  • De l'autre, la restauration ultra‑réactionnaire, où les oligarchies occidentales tentent de sauver leur hégémonie de rente par la répression, la peur ainsi que les guerres et les exterminations perpétuelles.

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